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L’épineux sujet des devoirs de vacances !

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La rentrée des classes est dans quelques semaines et une pointe de stress et de culpabilité pointe le bout de son nez : vos enfants n’ont pas terminé leurs cahiers de vacances. Vous imaginez déjà un scénario catastrophe dans lequel vos enfants sont la risée de la classe, incapables de suivre car leurs cerveaux sont vides de n’avoir rien révisé pendant les vacances.

Et si on relativisait ?

Chaque année, les éditeurs jouent avec cette peur parentale et avec la compétitivité inconsciente (ou pas !) que nous faisons peser sur nos enfants. Selon EDISTAT (qui recense les statistiques liées à l’édition), les cahiers de vacances de la collection Passeport ou ceux de la collection Nathan Vacances sont régulièrement en tête des ventes de la catégorie enseignement1. Continuons sur cette lancée : En 2022, 4,5 millions de cahiers de vacances ont été vendus. Il s’agit là d’un véritable business. Évidemment, il n’y a pas que les cahiers de vacances pour faire réviser nos enfants, certain(e)s ont recours aux cours particuliers (en ligne ou pas) ou aux jeux éducatifs ; d’autres prennent le problème à bras le corps et ressortent les bons vieux Bescherelles et s’improvisent professeurs.

En 2019, une étude OpinionWay, pour le site de soutien scolaire en ligne Kartable, indique que 71 % des parents2 interrogés ont acheté un cahier de vacances à leur enfant, surtout pour des enfants de primaire. Plus l’enfant gravit les niveaux, moins ils ont recours aux cahiers de vacances. Dans cet échantillon, 48 % des parents déclarent que leurs enfants ont terminé leurs cahiers de vacances. C’est deux fois plus que les résultats d’une étude de l’IREDU conduite en 20053, qui elle révélait que seulement 23,4 % des enfants allaient au bout de ces cahiers. D’ailleurs, cette étude concluait que les enfants n’ayant pas terminé les cahiers de vacances, comme ceux qui l’avaient commencé sans le terminer, ne voyaient pas leurs notes évoluer en septembre par rapport à juin, au moment de quitter la classe. Pour ceux qui sont allés au bout du cahier, les notes restent sensiblement les mêmes avant et après les vacances4. L’utilisation d’un cahier de vacances permet, dans le meilleur des cas, de maintenir le niveau des élèves, quoi que les résultats de l’analyse de 2001 ne soient pas forcément probants. L’efficacité est prouvée pour une seule matière : les mathématiques. Les enfants travaillant les mathématiques pendant les grandes vacances voient leurs résultats augmentés à la rentrée par rapport à l’année précédente.

Donc si votre enfant a des difficultés en mathématiques, vous savez ce qui vous reste à faire !

Mais revenons un peu sur l’utilité de faire travailler un enfant pendant les grandes vacances d’été.

Un élève de primaire a 6 h de classe par jour, soit 24 h par semaine, ce qui est déclaré par le Ministère comme suffisant pour suivre un programme scolaire. Votre enfant doit, en théorie, arriver à la fin de l’année en ayant acquis les compétences et savoirs requis dans l’année. En théorie. Nous savons tous, par la multiplication des canaux d’informations à notre disposition, qu’un enseignant rencontre des difficultés à clore ses programmes. Et ce n’est pas un reproche, nous pensons sincèrement qu’ils font de leur mieux. Le piège est que certains parents décident que leur enfant doit rattraper ce retard pendant les vacances, afin de ne pas être en reste à la rentrée. C’est une erreur à ne surtout pas commettre. Non seulement, un cahier de vacances ne permettra pas à l’enfant d’apprendre de nouvelles compétences, mais cela risque de saper sa confiance en lui. Ces devoirs de vacances doivent permettre une révision, une simple réactivation en mémoire des acquis de l’année. À la limite, les cahiers de vacances peuvent aider à pallier des lacunes sur quelques notions, si les parents se sentent l’âme pédagogue, et accompagnent leurs enfants dans la bienveillance (et avec patience !). Les études citées précédemment pointent le fait que ce sont les enfants qui sont le moins en difficulté scolaire qui terminent et tirent profit des devoirs de vacances. Plus les enfants ont des difficultés, du retard dans les apprentissages, moins ils feront de devoirs de vacances. Et d’un point de vue psychologique, cela s’explique : un enfant ayant passé une année terrible avec des difficultés scolaires n’a pas du tout envie de revivre ça pendant ses vacances, loin de l’école. La confiance en lui étant brisée, des devoirs de vacances, surtout mal ou pas accompagnés, peuvent être destructeurs. Fabienne Ramond, professeure des écoles, conseillère pédagogique et autrice de livres, l’explique très clairement dans un article de Psychologie Magazine de 2019.

« Ces devoirs supplémentaires ne peuvent pas compenser à eux seuls le retard d’un élève. »

Les parents espèrent souvent profiter de l’été pour combler les lacunes de leur enfant. Mais cela peut vite être source de conflits s’ils essaient de se substituer aux enseignants. Il faut vraiment conserver un esprit de détente ou faire appel à un tiers pour ne pas écœurer les enfants.

La conclusion de tout cela est que si votre enfant est un « bon » élève, faire ou ne pas faire des cahiers de vacances n’aura aucune incidence sur ses capacités à la rentrée ; si votre enfant a quelques lacunes, en mathématiques surtout, le cahier de vacances est une bonne idée, à condition d’effectuer un travail régulier durant l’été ; si votre enfant est trop en retard, privilégiez une autre stratégie. Donc, on déculpabilise et on lit la suite pour trouver des solutions adaptées !

Déjà, aucun enfant n’est « bon » ou « mauvais », je vous invite à relire cet article (ici). Un enfant qui suit une scolarité sans accroc (ces « bons » élèves, avec de bonnes notes) ont simplement adopté les méthodes d’enseignement qu’on leur a proposées. Pour les élèves dits en difficultés, en dehors du handicap neurologique, c’est seulement que la méthode n’est pas adaptée à leurs profils. Avoir de bonnes notes toute sa scolarité n’est en aucun cas (et j’insiste là dessus) un marqueur d’intelligence. Dans notre société, cela peut impacter l’orientation scolaire, donc professionnelle d’un individu, mais rien n’est gravé dans le marbre. Et quand vous regardez le parcours des grands génies humains vivants ou du passé, vous constaterez qu’ils étaient quasiment tous ce qu’on appelait « des cancres ». Alors pas d’amalgames ! Un enfant en difficulté scolaire n’est pas un génie qui s’ignore à tous les coups. Les raisons sont multiples.

Rien n’est gravé dans le marbre grâce à cette capacité extraordinaire du cerveau : sa plasticité. [Petit encadré sur la plasticité cérébrale]. Il est évident qu’un enfant, jusqu’à ses 7/8 ans, apprend plus facilement qu’un adolescent ou un adulte, mais apprendre est une chose tellement plus complexe que juste apprendre par cœur les tables de multiplication. Je m’explique.

Il existe trois ingrédients indispensables pour réussir ses apprentissages (et ce, quel que soit votre âge) : la motivation, la confiance en soi et du repos.

La motivation

« Forcer son enfant à travailler est contreproductif » alerte le psychologue Bruno Dal Palu dans Psychologue Magazine. Le parallèle vous fera peut-être sourire, mais nous, adultes, sommes exactement pareils. Quand on nous force à faire quelque chose, nous ne sommes pas à 100 % de nos capacités. Bien sûr, nous finissons par le faire, parce que « nous devons le faire » et c’est là le résultat d’un lobe frontal mature. Cette maturité arrive d’ailleurs autour des vingt, vingt-cinq ans.

D’un point de vue neurologique, durant l’enfance et l’adolescence, les humains sont sous le contrôle de leur lobe limbique (au centre du cerveau, iconographie), celui des émotions et du plaisir. Ce lobe est plus ancien que le lobe frontal dans l’histoire du développement humain, et il est opérationnel plus rapidement. Ainsi, il est très compliqué pour un enfant de comprendre l’intérêt de réviser les mathématiques alors qu’il pourrait aller se baigner avec ses copains (et on le comprend, mais notre lobe frontal d’adulte opérationnel nous dit que s’il ne révise pas ses mathématiques, il aura des difficultés à la rentrée, et ses copains et la piscine ne vont pas disparaître !). Exhorter un enfant avec des « Mais force-toi un peu ! » ou « C’est pour ton bien » est un choix absolument catastrophique pour la confiance en lui/elle de votre enfant, mais nous y reviendrons plus tard.

Ainsi, pour que les révisions – et l’apprentissage en général – soient un succès, il faut que l’enfant soit motivé et s’y engage pleinement. Les chercheurs se sont penchés sur la question de l’intrication entre cognition et émotions dans le processus d’apprentissage et les résultats sont assez clairs, l’un ne va pas sans l’autre : « Émotion et cognition s’unissent pour former l’action motivée ». L’émotion ne doit plus jamais être conçue comme système subordonné de la cognition. Autrement dit, l’envie de travailler produira des résultats bien plus positifs qu’une obligation de travailler. Et votre été sera également plus serein.

La confiance en soi

Et si mon enfant refuse de travailler, si la motivation ne vient pas ? C’est un risque, et il y a un message derrière ce refus qu’il est important de savoir déchiffrer. Ce refus catégorique de faire des révisions pendant l’été peut être multifactoriel, mais ils sont tous entendables et compréhensibles. Parmi les facteurs les plus courants, il y aura la fatigue, la maladie, ou une activité plus stimulante à faire. Il faut garder en tête que l’enfant exprime un besoin et qu’il est bon pour son développement de l’écouter. Et non, vous n’en ferez pas un fainéant ou un tyran, mais plutôt quelqu’un capable de réfléchir par lui-même. Rappelez-vous, son cerveau n’est pas mature. Ce serait comme demander à un tout jeune pommier de vous donner des tonnes de pommes et que, si vous ne le forcez pas à en produire maintenant plus qu’il ne peut en supporter sur ses branches, vous en ferez un pommier improductif ! Ridicule, n’est-ce pas ? Un enfant, c’est pareil. Laissez-le se reposer, jouer, et préférer ses copains plutôt que son cahier de vacances.

Maintenant, un refus peut cacher une souffrance bien plus grave qu’il faut savoir repérer et guérir. Un enfant qui a passé une mauvaise année ou qui rencontre des difficultés scolaires n’aura pas envie de se remettre dans un contexte où il se sentira en échec. Il est alors judicieux d’en discuter avec lui et de voir comment restaurer sa confiance en lui, à l’aide d’un psychopédagogue s’il le faut. Plus que l’intelligence, c’est la confiance en ses propres capacités qui est moteur de réussite.

Le repos

Un cerveau reposé est un cerveau qui apprend mieux ! Mais de quoi parle-t-on exactement ? Notre cerveau fonctionne 24 h/24 et il n’existe pas de bouton « off ». En revanche, on peut se reposer efficacement dès lors que l’on connaît le fonctionnement de notre cerveau.

  • Le stress. Pour reposer son cerveau, il faut l’éloigner du stress chronique. Et ce n’est pas parce que votre enfant a 8 ans qu’il n’est pas sujet au stress, bien au contraire ! L’école est un lieu stressant par définition car il appelle à effectuer une performance accrue, sur du long terme. Il n’y a rien de naturel dans ce qu’on demande à nos enfants de faire 6 à 8 h par jour : rester assez attentif et engranger de la connaissance sous peine de rester sur le banc de touche et d’être stigmatisé. Il n’est pas surprenant que certains enfants souffrent d’un stress chronique. Sous l’effet d’un stress chronique, l’hypophyse libère un neurotransmetteur, l’acétylcholine, qui va agir sur les glandes surrénales. Ces glandes surrénales vont alors secréter une hormone, le cortisol qui, libéré dans le sang, va se fixer sur les récepteurs de certains neurones dans le cerveau et modifier leur fonctionnement. Le cortisol a un effet sur la croissance des régions du cerveau telles que celles du langage, de la mémoire, des réactions émotionnelles et de l’apprentissage des règles logiques. Le stress a donc des effets nocifs sur le bon développement du cerveau de l’enfant (et de l’adulte également). Il est donc important de ne pas ajouter de stress en période de vacances en obligeant un enfant à travailler s’il n’en a pas envie.
  • Le « mode actif » et le « mode par défaut » du cerveau. Notre cerveau fonctionne selon deux modes qui correspondent tous les deux à deux réseaux : « réseau actif » et « réseau par défaut ». Nous parlons ici de « réseaux » car il s’agit de réseaux de neurones, chaque mode n’engageant pas les mêmes réseaux de neurones dans la même aire géographique du cerveau. Quand nous sommes concentrés sur une tâche, par exemple un exercice de grammaire, c’est le réseau actif qui est à la commande. Rester concentré demande une grande dépense d’énergie attentionnelle pour le cerveau qui, parfois, va se mettre en « mode défaut », c’est là qu’apparaissent les pensées spontanées et ce qu’on appelle « être dans la lune ». Ce mode n’est pas moins énergivore, mais il sollicite d’autres réseaux neuronaux. C’est exactement ce qu’il se passe dans le cerveau de votre enfant quand il reste assis des heures à écouter un professeur, et basculer d’un mode à l’autre est très énergivore et n’est pas une stratégie gagnante pour l’apprentissage. Rester concentré sur une seule tâche, dans un laps de temps court, puis relâcher avec une activité qui engage le corps, est ce qui permet au cerveau de se reposer efficacement.

Quelle(s) activité(s) choisir ?

Il faut des activités dans lesquelles l’enfant est engagé pleinement : lire, colorier, dessiner, marcher, jouer avec des jouets, etc. Une activité où l’enfant est passif, telle que regarder la télévision ou un écran de portable, l’épuise car le cerveau n’est pas ou peu sollicité, il repart ainsi dans un « mode défaut ».

Donc en vacances, on privilégie les activités sportives, créatives et culturelles, les jeux avec des amis en extérieur ou des sociétés en intérieur s’il pleut. Les moments en famille sont également importants. Si l’enfant souhaite faire des devoirs de vacances, des sessions de deux fois vingt-cinq minutes, entrecoupées de 10 minutes de pause active, un jour sur deux, seront largement suffisantes. En revanche, si le désir ne vient pas de l’enfant mais qu’il rencontre des difficultés scolaires, l’important est de faire un bilan avec l’enseignant à la fin de l’année afin d’avoir une idée des lacunes à combler. Après cette étape, une discussion avec l’enfant afin de mettre en place une stratégie est essentielle. Proposez lui des jeux qui font appel aux mathématiques ou au français, mais ne lui donnez pas des exercices de façon frontale. Il faut qu’il s’approprie le sujet en jouant à des jeux qui font appel aux compétences qui lui manquent, ainsi, il trouvera sans doute la motivation pour apprendre. Ou la difficulté n’existera même pas ! Souvent, une difficulté naît d’un contexte, vous pouvez être nul en calcul mental en classe mais excellent pour calculer les points dans un jeu sans avoir de calculatrice !

Mais surtout, rappelez-vous qu’un enfant apprend tous les jours et que le cerveau est malléable. Votre enfant n’a pas compris les règles d’accord du participe passé cette année ? Peut-être qu’avec la nouvelle enseignante, ce sera plus facile. Tout est une question de méthode et de confiance en soi !

  1. Albert EDELFELT, Enfants au bord de l’eau; 1884, National Gallery Finland ↩︎

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